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Prologue

Le soleil disparaissait doucement derrière les collines, les effleurant de ses derniers rayons très doux, tandis que la nuit tombait peu à peu sur la vallée, effaçant les couleurs de ce début de printemps au profit de l’obscurité. Quelques petits animaux tels que des écureuils, parfois noirs, roux, marrons foncés ou clairs, passaient en courant ou encore en trottinant sur un très vieux chemin de gravier et de poussière qui serpentait exactement au milieu des collines, chemin ancien et très lourd de son riche passé. En effet, divers rois de différentes nations, peuples et races l’avaient déjà foulé, mais tous pour différentes raisons. Pour des serments d’alliances, pour du commerce, pour des guerres... Aussi, de grosses pierres bordaient le chemin, pierres couvertes de végétaux comme du lichen. De plus, d’autres plantes tels que des lys sauvages, des bruyères ou différents types de buissons poussaient près d’elles, tandis que leur parfum tournait dans l’air du soir. Parfois, le chemin pouvait aussi être bordés d’arbustes ou d’arbres dont le feuillage tantôt vert, tantôt pourpre se dressait contre les rayons du soleil le jour et accueillait la lumière de la lune la nuit.

Quoi qu’il en soit, en ce début se soirée où l’air était frais, le chemin, réputé pour être très fréquenté, était étrangement désert. Tout à coup, une grande clameur  se fit entendre au loin, et avec elle, un cortège s'avançant sur le vieux et poussiéreux chemin. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards même suivaient et allaient devant le grand char du roi Eron le troisième, roi actuel de la dynastie des Dorwann de même que roi de la race des hommes et du royaume d’Yria, siège des hommes. La clameur d’ailleurs provenait des chants que récitaient les très nombreux membres du cortège qui s'avançait. En effet, pour les gens de la race des hommes et encore plus pour la maison de Dorwann le Grand, fondateur de la dynastie éponyme, il était coutume de se remémorer les rois défunt, et ce, une fois à chaque année. La fête avait toujours lieux au printemps, lorsque la neige terminait par disparaître dans les collines et lorsque les fleurs, arbustes, buissons et autres végétaux recommençaient leur croissance. Aussi, la fête commençait toujours par une cérémonie des prêtres d’Unianir, le Grand dieu, au cimetière de la ville, situé dans la clairière aux lucioles d’une forêt sans nom située quelque part dans les collines, puis, lorsque la nuit tombait, le cortège retournait à la ville, Tel'Arma, et tout ce monde, vieux, jeunes et moins jeunes et même riches et pauvres sans discriminations, participaient à l’immense banquet qui était donné dans la grande salle du château du roi, salle qui était d’ailleurs prévue pour les fêtes de toute sorte.

Plus tard durant la soirée, la fête battait son plein. Les convives se régalaient avec les différents plats de viande comme du porc, du canard, du poulet, du sangliers ou autre qui étaient servis, les diverses sauces, soupes, plats de fromages, de légumes et de fruits et bien d’autres merveilles succulentes et savoureuses toutes concoctées par l’équipe de cuisiniers du château. Des alcools tels que de la bière furent aussi servis, au grand bonheurs de tous ceux qui étaient là, mais surtout des hommes. Peu de temps après, des danseuses au teint pâle et à la très longue chevelure blonde ou noire commencèrent leur numéro, virevoltant de gauche à droite, leurs très longs rubans bleus s’enroulant puis se déroulant autour d’elles. En fait, le brouhaha avait beaucoup diminué dans la salle, de nombreux convives admirant en silence les prouesses des artistes et écoutant la musique qui les accompagnaient, jouée par les musiciens du roi. Plus tard encore, les danseuses quittèrent la salle sous les applaudissements de la foule et laissèrent place à des comédiens qui jouaient des moments clés de l’histoire des hommes et du royaume d’Yria, entrecoupés par un numéro de jongleurs et d’acrobates. Néanmoins, la reine Lonin se mit à se sentir bizarre, comme nostalgique. Elle qui aimait beaucoup les festins, banquets et les fêtes d'habitude, elle trouvait étrange de ne pas être capable de profiter des célébrations cette année. En effet, ne se sentant pas à sa place, elle décida de se retirer histoire de se changer les idées. Sous un prétexte quelconque, elle sortie alors de la grande salle où le banquet continuait de plus belle.

La reine se promena quelque temps, autour d’une vingtaine de minutes pour être plus précis, dans les grands couloirs du château, où les murs de pierre se trouvaient couvertes d'immenses tapisseries brodées de fils d'or et d'argent et ornées de pierres précieuses qui représentaient les rois de jadis ou des personnages de légendes. Elle sourit en regardant ces œuvres, car elle les avaient elle-même brodées peu après son mariage avec le roi Eron, c’est-à-dire il y a environ trois ans. En effet, Eron était très jeune pour un roi malgré qu’il avait déjà atteint la quarantaine. Lonin, elle, était beaucoup plus jeune, mais elle avait un air énigmatique qui rendait presque impossible la découverte de son âge. Chevelure noire charbon de longueur plutôt moyenne, yeux bleus et regard directe, elle portait une grande robe de satin couleur argent de même que sa couronne royale sur la tête. D’ailleurs, lorsqu’on la regardait, l’on comprenait pourquoi le roi Eron était tombé sous son charme même si elle n’était qu’une fille du peuple et non de sang royal : Elle avait le teint pâle, presque couleur neige, de même que la peau très lisse et elle était en plus incroyablement belle. De ce fait, de nombreuses personnes auraient pu croire qu’elle n’était pas humaine mais elfe.

Bref, quel ne fut pas son étonnement lorsqu'elle aperçu une lueur bleuâtre qui flottait au milieu d’un passage sous une immense arche de pierre grise, arche dont le couloir qui y menait était bordé de nombreuses colonnes d’argent. La chose, qui semblait vivante, flottait tranquillement tout en continuant de disperser sa lumière bleue, faisant briller les colonnes d’argent autour d’elle. Lorsque Lonin se rendit compte que la masse flottante l'appelait, elle se rappela alors ce que les légendes racontent sur les feux-follets, ces esprits qui reviennent parfois vers les vivants pour leur montrer le chemin de leur destinée. Elle fut d'ailleurs bouche-bée lorsqu'elle comprit que la lumière qui flottait devant-elle était un feu-follet. Il y eu tout à coup un courant d’air et la chevelure de la reine se mit à danser dans les airs, entraînée par le vent.

Lorsqu'elle s'approcha de celui-ci, elle vit qu'ils y en avait plusieurs identiques qui se suivaient, flottant dans le couloir et formant un chemin comme s’ils voulaient que la reine Lonin les suivent. Sans plus attendre, c'est ce qu'elle fit. La chaîne des feux-follets passait à travers de nombreux couloirs obscurs du château, bordés encore et toujours de magnifiques tapisseries ou peintures, montait un grand escalier de marbre en colimaçon, puis enfin s'arrêtait devant la chambre du couple royal, chambre située au troisième étage. Hésitante, Lonin s'arrêta elle aussi devant la porte, sans comprendre ce qui se passait. Cependant, elle se demandant se qu’elle attendait, elle se ressaisit et entra dans la pièce, car son instinct semblait lui dire d’y entrer. Tout était normal. Le grand lit du couple royal, recouverts de diverses couvertures luxueuses, était à sa place dans un coin de la pièce, ayant en plus des coussins de fil d’or, puis venait près de lui un foyer en pierre imposant sur le bord du mur où était sculptés de nombreuses créatures de légende tels que des Phoenix, des dragons, ou autre. D’autres tapisseries représentant le couple royal ou encore l’enfant à lequel la reine souhaitait de tout son cœur donner naissance complétaient le tableau.

Néanmoins, Lonin devint inquiète lorsque après avoir contemplé la salle, ses tapisseries et autres décorations et ornements, elle réalisa qu’un feu crépitait dans le foyer, dispersant une chaleur agréable qui était plus que bienvenue. Cependant, ce feu, personne ne l’avait allumé, car personne n’était venu dans cette chambre en cette soirée avant elle. D’ailleurs elle se posa cette question : Pourquoi les feux-follets l’ont guidés dans sa propre chambre ?

- Bienvenue ma fille, dit une voix profonde derrière elle.

- Qui... Qui êtes-vous ? Demanda Lonin, qui hésitait à se retourner, effrayée.

- Retourne toi mon enfant, et tu verra, répliqua tout simplement la voix mystérieuse.

La reine se retourna alors, mais ce qu'elle vit la troubla. En effet, une silhouette translucide et trouble se tenait là, devant elle. Dévisageant l’apparition, elle réalisa que c’était un vieillard richement vêtu, et cru avoir une crise cardiaque ou avoir le souffle coupé lorsqu’elle reconnu son grand-père.

- N’ai pas peur, ma fille, je suis là pour t’annoncer un grand bonheur, de même qu’un grand malheur, déclara t-il avec un air très sérieux qui passa du sourire à la tristesse.

- Grand-père ?

- Bientôt, tu mettra au monde un fils, un fils promit à régner sur ce royaume après son père. Néanmoins, des malheurs viendrons, sans artifices et sans exagérations, briser la paix sur cette terre.

Lonin avait de la difficulté à comprendre ce qui se passait, mais elle fut heureuse d’apprendre qu’elle allait avoir un fils, au point qu’elle ne pensa même pas aux malheurs annoncés par l’apparition. Cependant, celle-ci repris :

- Les ténèbres tomberont sur Yria, et Asharia tout entier sombrera dans une guerre sans fin, où les amis s’attaqueront entres eux. Pire, l’amitié n’existera plus dans ce monde. Tout ne sera qu’œil pour œil et dent pour dent. D’ailleurs, le Seigneur des douleurs luttera pour revenir, alimenté des péchés des hommes, de leurs mensonges, de la haine...

- Quand cela arrivera t-il ? interrompit la reine.

- Ça, personne ne le sait et je ne peux vous le dévoiler, mais soyez sur vos gardes, veillez, restez éveillés, car les malheurs arriveront plus vite que ce que vous croyez et pourront bien vous surprendre...

Il y eu un bref moment de silence. Lonin se mordait la lèvre supérieure, se demandant bien ce qu’elle pourrait dire. Néanmoins, le spectre de son grand-père se sentit troublé pour une raison inconnue. Il reprit la parole.

- Adieu ma fille, dit-il en baissant les yeux.

La vision disparu aussi abruptement qu’elle était apparue, laissant Lonin en réflexion. Elle pensait au mystérieux message laissé par l’apparition, mais des larmes lui coulèrent sur le visage. En effet, son grand-père qu’elle aimait était mort d’une manière très obscure alors qu’elle était très jeune. Le revoir l’avait émue. Toutefois, coupant court à sa réflexion, elle décida enfin de retourner à la fête et de faire part du message de l’apparition au roi, son mari.

Quoi qu’il en soit, au cours des jours qui suivirent, la reine tomba enceinte, comme la vision l’avait annoncé, confirmant à Lonin qu’elle n’avait pas rêvée, que c’était bien réel. Malheureusement, des rumeurs de guerre commencèrent à se propager dans le royaume des homme, Yria. D’autres rumeurs, elles, disaient carrément que les dieux étaient disparus, abandonnant leur peuple, les laissant dans le désespoir. D’ailleurs, les tensions commerciales se formèrent avec différents autres royaumes, faisant chuter drastiquement l’économie d’Yria et plongeant ses habitants dans la misère la plus profonde. Des tensions se forgèrent dans le royaume même, car de nombreuses personnes accusaient le roi Eron, pourtant réputé pour être sage et bon, d’être responsable de leur misère. Bientôt, ce fut des cambriolages, des meurtres, des attentats qui prirent place. L’armée de sa majesté était dépassée par les événements, laissant le chaos s’installer sur Yria. Voyant ces troubles, la reine vit que les malheurs annoncés par l’apparition arrivaient eux aussi.

Lorsqu’elle eu son fils, un bel enfant au teint assez foncé, à la chevelure noire et aux yeux bleus comme elle, elle décida de le nommer comme son grand-père et elle le confia à Séron, son conseiller pour qu’il le cache, car elle était sûr que la paix qui ne tenait maintenant plus qu’à un fil pouvait être brisée d’un instant à l’autre et que la guerre pouvait s’emparer du monde sans crier gare. En effet, elle avait fait part de l’avertissement de son grand-père au roi son mari, mais celui-ci ne voulait pas la croire. Il n’arrêtait pas de dire qu’elle avait rêvé.

- Les feux-follets sont une invention apparaissant uniquement dans les mythes et les légendes, ma chère. En aucun cas ils ne peuvent êtres vu réellement !

- Mais je vous assure, mon roi, que je les aient vu ! Ils étaient là, devant moi, me montrant le chemin...

- Baliverne ! Vous avez sans doute hallucinée.

Le roi demeurait imperturbable, se flanchant pas. Il ne croyait pas non plus la reine lorsqu’elle lui fit part du message de l’apparition.

- Vous avez encore hallucinée, ma chère. Le nourrisson à lequel vous avez donné naissance n’est que le fruit de notre amour, rien de plus.

- Et les malheurs qui arrivent ?

- Cela devait sans doute arriver. Il n’y a eu aucune apparition qui a pu vous le révéler.

Lonin mit fin à ses tentatives lorsqu’elle comprit que son époux ne flancherait jamais, qu’il ne la croirait pas.    

Malheureusement, bien plus tard, les craintes de la pauvre reine du royaume d’Yria furent justifiés lorsque par un froid matin d’hiver, elle ne se réveilla que pour découvrir un pic de glace posé sur sa gorge et un être hideux la regarder avec mépris. D’un bleu-turquoise glacé, cette créature avait un regard effrayant à cause principalement d’une paire d’yeux qui semblaient exorbités.

Stupéfaite, la reine n’eut le temps de rien tenter pour se sortir de cette fâcheuse posture, car la créature qui était sortie de nulle part poussa avec force le pic de glace rugueux et celui-ci lui transperça la gorge. Elle sentit alors du sang chaud couler de sa gorge gelée et avant de mourir, de rendre son dernier souffle, elle eut encore la force d’entendre la créature hideuse dire des mots presque incompréhensibles.

« Le seul rôle des homme est d’être des esclaves. Sinon, ils ne méritent pas de vivre. Seuls les plus forts méritent d’être libre et de vivre ainsi librement. L’humanité n’est rien qu’un peuple faible. »

Ainsi commença la chute vers les ténèbres d’Yria, le royaume des hommes, envahie par surprise par des créatures, des orques de glace venus du nord. L’armée tenta en vain de se défendre, mais déjà affaiblis par la longue période de troubles et de chaos, ils furent encore plus déstabilisés lorsqu’ils apprirent que le couple royal venait d’être assassiné sauvagement dans leur chambre dans leur propre château alors qu’ils venaient tout juste de se réveiller. Les orcs envahissaient alors les rues des villes, les routes des vallées, tuant tout sur leur passage ou faisant de nombreux prisonniers.

Yria n’était donc plus le glorieux royaume des légendes. C’était maintenant un royaume déchiré par le feu, la glace et le sang. C’était aussi un royaume où la liberté n’existait plus, où la mort et la loi du plus fort régnaient.

...

Dans l’obscurité ambiante d’une salle étrange apparue une main plutôt maigre et fragile, recouverte de fourrure rousse et noire, tenant une torche. Cette main alluma une à une les différentes lanternes de l’endroit, aidée dans cette entreprise par bien d’autres mains recouvertes d’une fourrure similaire. La lumière des lanternes étendit son emprise peu à peu et illumina l’étrange salle, qui était en fait l’intérieur du tronc d’un vieil arbre géant. D’ailleurs, le bois des murs, qui dégageait une forte odeur de pourriture, était couvert de lichen et d’autres plantes grimpantes qui ajoutait de la verdure dans le décor. Dans la salle, des sortes de podiums avaient été sculptés à même le bois, comme si l’endroit servait d’amphithéâtre. D'ailleurs, le podium était divisé en deux, comme si deux groupes distinctifs y prenaient place. Bref, de très nombreuses silhouettes drapées de voiles de soie bourgognes se retrouvaient assis sur les différents sièges du podium, tandis que celles qui avaient allumées les lanternes restaient près d’elles pour les rallumer si le courant d’air faisait des siennes.

L’une des silhouette retira sa capuche et révéla une tête de renard roux qui portait une grande touffe de poils noirs sur la tête, comme si c’était une chevelure. Certains de ses poils partout sur son corps commençaient à blanchir, à se décolorer, démontrant qu’il n’était plus très jeune. Aussi, de grands cernes sous ses yeux blancs brillants dans la lumière des lanternes accentuèrent le fait qu’il était âgé, de même qu'il avait le dos arqué vers l’avant, comme s’il avait été plié par le temps, par les soucis et les problèmes que l’on rencontre au cours de sa vie. Néanmoins, suivant son exemple, les autres silhouettes retirèrent à leur tour leur capuche. L’on pouvait alors voir que toute la foule présente était des renard au pelage roux, se tenant comme des hommes et qui étaient plus précisément des mâles, comme si tout un conseil s’était réunit.  

L’ancien, comme les autres l’appelaient, toussa un peu afin de s’éclaircir la voix, qui était très profonde, puis prit la parole.

« Mes amis, mes frères, mes fils. Je crois que vous savez tous pourquoi nous nous sommes réunit. Oui, nous devons parler de notre avenir, qui s’assombrit de plus en plus. Cependant, commençons par rappeler un trait important de notre peuple. En effet, nous sommes une des rares nations à ne pas avoir été créés par la pensée et les mains d’Unianir, par son artisanat divin. En effet, comme j’espère que vous le savez tous, nous ne sommes qu’une espèce animale qui a prit conscience de son existence suite à des expérimentations ratées d’un magicien fou dont l’histoire, plus précisément les archives des elfes de Lune, ont considérés qu’il était mieux de ne pas conserver des traces de son nom. Certains diront au contraire que nous sommes presque divins, reflets des kitsunes et enfants Slarya, la déesse renarde. Moi je n'y crois pas. »

Il marqua une pause. Le silence, lourd, pesant, revint dans le tronc d’arbre creux, brisé de temps à autres par des murmures, démontrant que certains membres du conseil discutaient entre eux. Balayant l’assistance du regard, l’ancien soupira, puis reprit.

« Nos ancêtres s’étant réfugiés sans bruits, sans dire à personne qu’ils existaient, dans cette forêt profonde, la forêt que nous habitons encore aujourd’hui, cette douce et clémente forêt de Sylve-songe. Très peu d’autres peuples de notre monde savent que nous existons. C’est malheureux, mais nous révéler à la vue des autres races n’est pas une option, car certains d’entre nous, des membres du clan Rousse-Feuille ont déjà essayés, et ils en ont payés le prix fort, car les Orcs les ont massacrés. Cependant, j’ai ma petite idée sur la raison du massacre. »

Dans la salle, l’assistance ne faisait plus aucun bruit. Tous ceux qui étaient présents étaient suspendus aux lèvres de l’ancien. Ce dernier, balayant encore une fois la salle de son regard, fortement satisfait de l’effet qu’il produisait, poursuivit.

« Nous entrons maintenant dans le vif du sujet, le sujet de cette rencontre. Comme vous le savez sans doute, Ranor, notre valeureux chef de tribu, qui faisait tout pour calmer les différents entre nos deux clans, celui de Verte-Racine et Rousse-Feuille, est disparu il y a peu sans laisser de traces. Néanmoins, il a laissé derrière lui sa pauvre femme Ranna et son jeune fils de trois ans. Ce jeune renard innocent d’ailleurs, possède cet étrange don des cristaux, ce don magique recherché par bien des êtres, autant les bons que les mauvais. La magie divine d'Unianir coule dans ses veine, lui donnant un pouvoir qu'il ne contrôle pas encore et qui pourrait être dangereux. Voici donc ma petite idée sur la raison du massacre des nôtres par les Orcs : Ces créatures hideuses sont à la recherche du fils de Ranna, le fils que Ranor a laissé derrière lui ; ils veulent contrôler ses pouvoirs. »

L’ancien se tut, laissant ses nouvelles paroles faire leur effet. De ce fait, de nombreux murmures se firent entendre dans la salle et de nombreux autres renards avaient l’air perplexe. Il reprit son discours une nouvelle fois.

« Les Orcs ne nous ont pas encore trouvés, mais ce moment fatidique pourrait prendre place plus vite que l’on ne le pense. Pour l’éviter, voilà ce que je propose : Bannir Ranna et son fils dans les ruines de la ville humaine de Chos-Kanthis, en dehors de la forêt. »

Un renard couvert de cicatrices mais à l’air noble se leva de son siège, indigné. Ses yeux blancs et brillants lançaient des éclairs.

- Loin de moi de vous manquer de respect, Safior, mais ça n’a aucun sens ce que vous dites ! Ranna est enceinte ! Elle ne survivra jamais ! Comment s’occupera t-elle de son fils et de son futur nourrisson, seule, sans ressources, sans aide, dans l'environnement hostile de ces ruines...

- Je le sais Rowen, reprit l’ancien. Je sais ce qui risque certainement de lui arriver. Mais nous n’avons pas le choix. Mieux vaut sacrifier ces quelques êtres pour le salut de tout notre peuple. Néanmoins, si cela ne plaît pas à tout le monde, quelqu’un a une autre idée ?

Personne ne lui répondit, laissant la place au silence. Tous baissèrent la tête. Rowen se mordit la lèvre. Étant le frère de Ranna et donc l’oncle du petit renard qui était son fils et du futur nourrisson, il ne voulait que leur bien. Situation qui était décidément impossible à avoir.

Un peu plus tard, Rowen sortit du terrier de Ranna, des larmes coulant de ses yeux brillants. Regardant inquiet autour de lui, il semblait avoir peur que quelqu’un l’aperçoive. Toutefois, il n’y avait personne aux alentours. Soupirant, le renard se mira dans le petit ruisseau à proximité, puis prit ses jambes à son cou sans se retourner. À l’intérieur du terrier, Ranna pleurait. Elle avait été mit au courant par son frère de la décision irrévocable du conseil et en était désespérée. Pelage roux soyeux, yeux habituellement clairs mais actuellement mouillés de larmes, on comprenait qu’elle était enceinte lorsqu’on voyait son ventre prédominant.

« Ranor... Où est tu ? » se demanda t-elle, sans aucune réponse comme elle s’y attendait.

Un petit renard qui était son portrait tout craché se rapprocha alors d’elle en marchant avec quelque difficulté, démontrant qu'il ne marchait pas depuis très longtemps. Or, le petit renard avait un air inquiet sur son visage.

- Pourquoi pleure-tu, maman ?

Ranna saisit son fils et le serra contre elle avec tendresse et ferma ses paupières qui étaient lourdes.

- Je me fais du soucis pour ton père, c’est tout, répondit-elle.

- Où il est, papa ?

Des larmes coulèrent des yeux du petit renard. Reniflant, il tenta de les essuyer avec la fourrure de son bras, comme s’il ne voulait pas qu’elle le voit pleurer. Très fier, il voulait lui montrer qu’il était un grand garçon. Sa mère le serra encore plus fort contre elle, mais hésita avant de répondre.

- Je... Je l’ignore, répondit-elle finalement, nerveusement.

Ranna soupira. Le vent se leva à l’extérieur, comme pour accentuer le soupir. En entendant son mélodieux sifflement, le petit se mit à fredonner des bribes de musique qu’il connaissait. L’écoutant, Ranna sourit. Elle se mit à chanter avec lui un chant qu’ils chantaient ensemble assez fréquemment.  

Reviens, printemps joli
Faire fleurir nos rêveries
Oui, revient
Revient, printemps joli
Réchauffer le cœur de nos amis
Oui, revient.   
Revient printemps joli
Oui, revient
Revient

La mère et son fils répétèrent ce refrain plusieurs fois de suite. Le vent sifflait de plus belle, comme pour les accompagner de sa douce musique. Néanmoins, il s’arrêta lorsque le petit renard bailla puis ferma les yeux. Ranna le caressa puis lui chanta de sa voix claire une petite berceuse.

Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ton père reviendra
Délaissera ses armes
Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ton père t'aime
Et comme dans un poème
Reviendra soulager ton âme
Ne pleure pas
Sèche tes larmes
Ne pleure pas

La renarde se tut lorsqu’elle comprit que son fils s’était assoupi, comme le témoignaient ses yeux fermés et sa respiration bien régulière. Le posant sur sa couche, elle lui souhaita une bonne nuit, puis se dirigea hors du terrier et marcha lentement vers une clairière. Admirant le ciel sans nuage de cette magnifique nuit, Ranna se laissa aller à la rêverie sous une myriade d’étoiles qui brillaient au firmament.

« Ô Unianir, protège mes enfants... » murmura t-elle, émue.

Elle restait là sans bouger pendant un bon moment, les yeux humides. Néanmoins, elle se ravisa et retourna dans la forêt, maintenant silencieuse, entra dans son terrier, puis s’allongea sur sa couche, se livrant à l’emprise du sommeil.

Chapitre I

Un jeune homme se tenait debout sur le muret du magnifique pont de brique polie, patiné par le temps, muret qui était supposé servir à empêcher les personnes qui empruntent le pont de faire un faux pas et de tomber dans le torrent. Néanmoins, le jeune homme regardait l’horizon, songeur. Voilà dix-sept ans qu’il n’avait pas quitté ni cette cité ni cette forêt, la forêt d’Ombrefeuille, forêt des Elfes de Lune, lieux où il se sentait comme prisonnier, comme piégé. Il rêvait de ce fait de nouveaux paysages, de nouveaux horizons, de nouvelles limites, et surtout, de lumière. Vêtu d’une simple chemise de toile de coton bleu ciel et d’un court pantalon noir de la même matière, il portait aussi une veste en lin sans manches couleur sable par dessus sa chemise. Il avait le teint foncé, bien différent des êtres nocturnes qui l’entouraient, des yeux bleus et un regard direct de même qu’une longue chevelure noire charbon qui lui atteignait les épaules et dont des mèches rebelles s’amusaient à obstruer sa vue de temps à autres.

Devant lui, une magnifique cascade s’écoulait dans un lac à l’eau cristalline où se reflétait la lumière de la lune crépusculaire, appelée ainsi dans cette forêt car la nuit y était éternelle et qui se reflétait dans le lac destination du torrent. Néanmoins, l’eau qui s’écoulait dans cette cascade appelée la cascade d’Ordân, semblait chanter un chant faible mais clair qui rappelait au jeune homme quelque chose enfoui au plus profond de sa mémoire. Mais quoi ? Là était la question, et lui-même ne saurait y répondre. Or cela avait l’air d’être une berceuse. Peut-être était-ce la berceuse que lui chantait sa mère qu’il n’avait jamais connue lorsqu’il était jeune ?

La cascade au chant envoûtant se jetait dans le lac, lac qui était bordé de nombreux arbres, petits et grands, qui présentaient une palette de différents tons de verts très impressionnante. Aussi, ces arbres regroupaient des feuillages et aiguilles de toutes sortes, tandis que d’autres mettaient en vedettes leurs fleurs tantôt bleues, tantôt blanches.

Sinon, la pensée du jeune homme vagabonda maintenant vers un autre sujet : Qui était-il dans ce bas monde ? En effet, a dix-sept ans, il se sentait comme un étranger parmi ceux avec qui il vivait. Et pour cause. Lui avait la peau d’un beige tirant vers le doré alors que ceux qu’il côtoyait avait la leur d’une couleur particulière qui tirait plus vers le pourpre. Aussi, ceux-ci avaient des oreilles pointues alors que lui les avaient arrondies. Il voulait, désirait voir la lumière du jour, hors de cette nuit éternelle, mais ceux qui l’entouraient semblaient redouter la lumière du soleil, y préférant la lumière de la lune. Le jeune homme savait que c’était des Elfes, mais lui, qui était-il ? Réfléchissant de la sorte, il ne vit pas une grande silhouette habillée d’une grande grand manteau de satin noir brodé de fil d’or s’approcher de lui. Le nouveau-venu le regarda avec un regard plein de tendresse, mais le jeune homme ne lui prêtait aucune attention.

- À quoi songe tu, Icarion ? demanda t-il.

Le jeune homme ne bougea pas mais soupira. Une petite larme, comme une perle de rosée, s’écoula sur sa joue, puis sur son épaule, laissant une marque humide sur sa chemise.

- Je sais que je ne suis pas un Elfe de Lune. J’en ai la certitude depuis mes treize ans.

- Et donc ?

- Et donc, qui suis-je ? Pourquoi me maintenir prisonnier ici, me cacher qui je suis vraiment ? reprit Icarion en descendant du muret et en posant son regard sur son interlocuteur.

- Nous...

- Ô Soundar, je veux savoir. Pourquoi me cacher ? Pourquoi m’empêcher de voir le soleil ?

Icarion se tut. Il baissa ensuite sa tête et repoussa des mèches de cheveux rebelles qui se plaçaient devant ses yeux.

Le dénommé Soundar mit ses mains sur les épaules du jeune homme. Celui-ci releva la tête et le regarda dans les yeux.

- C’est une très longue histoire mon jeune ami. Notre invité la racontera bien mieux que moi.

Icarion parut perplexe.

- Un invité ?

- Viens, il nous attend d’ailleurs.

Ils parcoururent alors la cité, nommée Delune, marchant à travers les différents couloirs de pierre labyrinthiques et arrivèrent finalement a grande terrasse qui surplombait la rivière, cours d’eau qui quittait le grand lac. La terrasse se trouvait d’ailleurs à l’étage de la salle d’audience de la cité sur une grande plate-forme de marbre et de bois, qui était bordée de plusieurs arches de pierre. Elle était d’ailleurs à la moitié de la hauteur du tronc de Trissendil, l’Arbre de vie qui était le plus haut des arbres de la forêt d’Ombrefeuille, qui avait été jadis béni par Unianir lui-même et qui apportait paix et prospérité au peuple des Elfes de Lune. Trissendil avait presque été déraciné par les forces de Témnor durant la deuxième grande guerre que connue le monde, mais les Elfes le protégèrent farouchement. Aujourd’hui, il était en pleine santé.

La terrasse surplombait toute la cité de Déclipse. Construite en bois, en marbre blanc, en verre et décorée de pierre précieuses, la cité comptait plusieurs tours qui pointaient vers le ciel comme des flambeaux lumineux. Les arches, typiques de l’architecture elfique allaient et venaient dans la cité et jouaient aussi le rôle de murailles mais contrairement à elles, ouvraient leurs bras vers la nature. Le tout brillait dans la lumière d’un clair de lune pur et imperturbable. 

En arrivant à l’entrée de la terrasse, Soundar s’assit à table avec un homme qu’Icarion n’avait jamais vu. L’homme semblait avoir entre vingt et trente ans et était tout vêtu de bleu, portant une très longue chevelure noire et une barbe prédominante de la même couleur. Il avait un grand bâton d’or à la main qu’il tenait fermement et semblait regarder dans le vide, comme s’il réfléchissait.

- Assis toi, Icarion, dit Soundar en lui montrant une chaise de bois noir.

Sans dire un mot, le jeune homme se tira là-dite chaise et s’assit, puis le silence retomba pendant un instant. Néanmoins, Icarion se rendis compte que Soundar devait avoir organisé le repas du soir avec ce mystérieux visiteur, car bientôt, une elfe portant une grande robe bleu foncé s’avança, un plateau à la main. Deux pichets, l’un remplit d’une liqueur de myrtille sauvage et l’autre remplit d’un des meilleurs vins des elfes noirs se trouvaient sur le plateau, plateau dont l’elfe posa sur la table, proposant de ces breuvages aux convives. Ne supportant pas l’alcool, Icarion refusa poliment. D’ailleurs, il remarqua que l’homme mystérieux fit de même. Au contraire, Soundar accepta un grand verre de cette liqueur de myrtille. L’elfe repartie alors avec son plateau, laissant la place à un musicien, qui s’assit près de la table et se mit à jouer de son luth. Icarion se surprit à rêver, sous le charme de cette musique elfique qu’il aimait tant. Une autre elfe, à la chevelure tressée et portant une courte robe noire se joignit au musicien et chanta de douces vocalises, mêlant sa voix d’ange à celle plus grave du luth.

Un autre elfe arriva, portant un plateau de rôti de lapin accompagné d’une sauce aigre-douce au cassis et un plateau où se trouvaient divers fromages. Certains étaient crémeux, d’autres fermes. Au cours du repas, Soundar prit la parole.  

- Icarion, laisse moi te présenter Séron, l’un des trois grands sages du conseil des frères de la justice qui siège dans la tour de la loi à la Citadelle d’or, cette ville légendaire construite par Unianir lui-même au début des âges.

Icarion restait muet, mais dévisagea le visiteur. Séron demeurait impassible. Néanmoins, Icarion réfléchit : La Citadelle d’or ? Cela lui semblait à l’autre bout du monde. En effet, il avait entendu des légendes comme quoi cette cité avait été construite sur les ruines de Sacrejour et de Sacrenuit, les deux pays originels de l’Asharia primitif. Toutefois, le visiteur ne fit pas attention à lui. Séron et Soundar se mirent même à parler entre eux dans un langage elfique de telle sorte que le jeune homme ignorait ce qu’ils disaient, mais il comprit néanmoins qu’ils se disputaient, et la raison de cette dispute était le seul mot de cette langue que Icarion avait apprit. Ce mot était le verbe « révéler ». Icarion se demandait bien pourquoi Soundar et Franir se disputaient à cause de cette révélation quelconque, mais il ne savait pas ce qui allait être révélé, donc garda le silence.

Levant le regard, il vit qu’un nouvel elfe arriva, et que ce n’était pas n’importe quel elfe. En effet, c’était Uriel, le poète de la cité. Il s’avança et se mit à réciter certains de ses écrits sous le fond musical du joueur de luth et de la chanteuse, en commençant par un cantique à Unianir.

Ô Unianir !
Louange à toi tu es si grand 
Dans ton infinie bonté
Tu nous délivre des méchants
Toi qu’à jamais nous allons adorer
Ô Unianir !
Tu as vaincu Témnor
Seigneur des douleurs
Sans aucuns remords
Pour nous éviter des malheurs
Ô Unianir !
Louange à toi tu es si grand
Dans ton infinie bonté
Tu nous délivre des méchants
Toi qu’à jamais nous allons adorer
Ô Unianir !

Après les applaudissements de l’assistance, Uriel, fier de son succès, reprit, mais cette fois-ci avec un récit connu de tous les elfes, l’histoire de Cérégorn, héros elfique de jadis.

Cérégorn était un sage
Il nous a sauvé
A repoussé les peuples sauvages
Il nous a protégé
Cérégorn était un héros
Il a arrêté des invasions
Et dans un allegro
A changé notre vision
Oui, Cérégorn était un grand elfe

Après quelques autres poèmes, Uriel quitta la terrasse, tandis que les musiciens continuaient de jouer leur douce musique d’ambiance. Soundar se tourna vers Icarion.

- Icarion, tu dois savoir quelque chose.

- Qu’est-ce que je dois savoir ? se risqua t-il à demander.

Sans aucune réponse, Soundar dirigea son regard vers Séron, qui prit alors la parole.

- Icarion, tu as dix-sept ans, ce qui signifie que tu es assez vieux pour comprendre ce qui se passe, de même que ce que tu es réellement...

- Que voulez-vous dire par ce que je suis réellement ? l’interrompit le principal intéressé.

- Et bien, le conseil des frères de la justice pensait que tu n’étais pas en âge d’apprendre ces révélations, mais moi et ton mentor croyons que oui. Donc, comme tu as sûrement dû le constater depuis longtemps, tu n’es pas un elfe noir. Tu n’es même pas un elfe tout cour. Tu es un être humain, mais pas n’importe lequel : tu es le prince héritier du royaume d’Yria, le royaume de la race humaine.

À ces mots, Icarion avala sa salive de travers et se mit à tousser en se frappant la poitrine. Se reprenant, il regarda le mage avec un regard interdit.

- Comment voulez-vous que je sois le prince du royaume d’Yria ? Si je le suis, comment est-ce que je suis ici, enfermé dans la nuit, pourquoi est-ce que je n’ai rien su sur ma véritable nature durant toutes ces années ?

- Icarion, calme toi, lâcha Soundar d’un ton sec pour tenter de le calmer.

- Vous ne comprenez pas, reprit le jeune homme. Si c’est vrai ce qu’il raconte, cela signifie que j’ai été plongé dans l’ignorance depuis ma naissance et que j’ai été élevé dans le mensonge !

- Ce n’est pas toi qui vient tout juste de me dire que tu voulais savoir la vérité ? Et bien continue d’écouter sans interrompre, s’il te plaît.

Icarion soupira puis baissa les yeux. Son tuteur marquait un point. Cependant, Franir reprit ses explications.

- Tu as été élevé dans le mensonge comme tu dis pour ta sécurité. En effet, peu après ta naissance, de nombreux troubles ont tombés sur Yria, ton royaume. Ta mère, la reine Lonin, avait eu une vision de son défunt grand-père, donc ton arrière grand-père, qui disait qu’elle aurait un fils mais que le royaume tomberait aux mains du chaos. Peu de temps après, elle a accouché de l’enfant tant attendu, en même temps que ton père, son mari, perde son autorité. En effet, le fait que son père, ton grand-père donc ait été un meurtrier ressortait au grand jour. Lonin m’a donc confié son fils, toi, pour le mettre en sécurité. Je t’ai pour ma part confié aux Elfes de Lune, mené par Soundar qui devint ton tuteur. Après t’avoir donc laissé dans la forêt d’Ombrefeuille, des orques ont envahis Yria et ont prit tous les habitants par surprise, même tes parents qui furent assassinés.

- Mais pourquoi tout me révéler maintenant et pas avant ?

- Parce que avant, tu n’étais pas en âge de comprendre, et je rejoint les autres mages là-dessus. Maintenant, il faut que tu prenne tes responsabilités et que tu retourne parmi les tiens. Ils t’attendent, ils croient en toi, en l’héritier de leur défunt roi...

Séron n’eut pas le temps de finir ce qu’il disait que Icarion, dans un mélange de choc, de colère et de tristesse, se leva brusquement en renversant sa chaise, ce dernier geste n’étant néanmoins pas voulu.

- Mais je ne veux pas être roi, dit-il les larmes aux yeux. Je ne veux que d’une vie normale avec les personnes que j’aime...

Il s’enfuit alors en courant sans regarder derrière lui même si Soundar se mit à crier son nom à plusieurs reprises en se leva de table.

- Icarion ! Revient tout de suite ! Nous n’avons pas terminé !

Mais rien n’y fit. Icarion ne revint pas, courant vers sa chambre. Les jours qui suivirent, il évitait la compagnie des autres elfes, restant solitaire dans son coin. Plus tard, il admirait le ciel étoilé, soupirant, quand Soundar s’approcha. Lui aussi admirait le spectacle.

- Androne est plus brillante en ce moment à ce que je vois, dit-il.

Icarion le regarda bizarrement.

- Pardon ?

- Et Zannia et Diwen on entreprit leur annuel croisement, continua Soundar.

- Heu...

- Ce sont des étoiles. Vois-tu, l’astronomie est une de mes passion. Lorsque le ciel est clair et sans nuages, moi et Malila, mon épouse, venons admirer et étudier les astres de ce mystérieux cosmos.

- Je vois, répondit tout simplement Icarion.

Ils observèrent immensité du ciel ensemble pendant un petit moment. Néanmoins, brisant le silence qui venait de s’installer, Soundar posa sa main sur l’épaule de son protégé.

- Ton destin me fait penser à celui d’une étoile. Tu viens de naître, tu as peur de briller. N’ai pas peur de briller de tout tes feux. Rend tes parents fiers de toi. Tu finira aussi bien entendu par mourir comme tout les hommes, mais tu aura accompli de grandes choses, j’en suis certain.

- Pourquoi me racontez-vous ça ?

Soundar soupira.

- Écoute Icarion. Tes parents t’aimaient de tout leur cœur. Tu étais leur fils unique. D’ailleurs, ton père comptait sur toi pour réparer la réputation de sa ligné, souillée par le crime de ton grand-père qui tua sa propre femme. Mais ils étaient obligé de te cacher pour te sauver.

Le regard d’Icarion était toujours tourné vers le ciel.

- Vous croyez qu’ils sont là-haut ?

- Oui. Comme tu le sais, nous croyons que chacune des étoiles qui fleurissent le ciel sont les âmes de nos ancêtres défunts, qui veillent sur nous. Et grâce à Trissendil, ils attendront les Rivages Brumeux, maison des dieux, un jour.

Icarion regarda Soundar.

- Je dois vraiment reprendre le trône de mon père ?

- C’est ton devoir. Nombreux sont ceux qui ont foi en toi. Ne l’oublie pas.

Sans répondre, le jeune homme se détourna et monta à sa chambre. Soundar fit de même.

Plusieurs jours plus tard, Icarion demeurait introuvable. Séron révéla au roi des Elfes de Lune qu’il l’avait entendu murmurer des choses étranges à propos de se trouver lui-même, ou encore à propos d’une ville du nom de Forge qui était réputé pour produire de nombreuses ressources qui étaient exportés partout sur Eranne. Néanmoins, le roi des Elfes de Lune et le mage durent se rendre à l’évidence que le jeune héritier de la couronne d’Yria, rôle qu’il semblait néanmoins répugner, venait de fuir la forêt d’Ombrefeuille. En effet, le manteau de soie bleu foncé d’Icarion ainsi que quelques uns de ses vêtements manquaient à l’appel, de même qu’une cote de mailles noire et une épée qui avaient disparus de l’armurerie. Aussi, son cheval à la robe noire qu’il avait appelé Queue de Cendre et qu’il avait apprivoisé lui-même avait disparu de l’écurie.

Les faits étaient là : Icarion avait donc fugué, s’était enfuie, à la recherche de qui il était vraiment, à la découverte du vaste monde, là où se côtoyaient amour, haine, amitié et trahison. Séron prit son cheval, un cheval d’un blanc pur et immaculé qu’il avait nommé Crinière de Neige et partie à la poursuite de l’héritier. D’ailleurs, Crinière de Neige était connu parmi bien des royaumes pour être l’un des coursiers les plus rapide du monde, sinon le plus rapide. Sa vitesse de pointe au galop dépassait même celle de Queue de Cendre, le cheval d’Icarion, qui était lui aussi réputé pour être un coursier très rapide.

Quittant la forêt, Séron dirigea son cheval vers Yria, plus précisément vers Forge, cette ville très peuplée qui se trouvait à la frontière de plusieurs royaumes. D’ailleurs, dans les diverses choses étranges qu’Icarion avait grommelé, le nom de la ville s’y trouvait. Il avait sans doute voulu voir ce royaume, son royaume, de ses propres yeux. Cependant, Yria étant sous occupation orque, Séron était inquiet et pressentait qu’Icarion courrait un grave danger. Il dépêcha alors son cheval de courir le plus vite possible et disparu rapidement à l’horizon.

Chapitre II

Le soleil de l’après-midi baignait la carrière de puissants rayons et créait ainsi une chaleur étouffante. Dans cet étrange cratère artificiel, creusé de la main des hommes, une multitude d’ouvriers frappaient sans relâche sur la pierre de leurs outils pour en détacher des blocs. Or, cette pierre semblait être de plus en plus fragilisée et apparemment menaçait de s’effondrer, ce dont le propriétaire se moquait, puisque la carrière lui procurait bien des profits. Sinon, cette pierre, du calcaire jaune, étant une roche de type sédimentaire, produisait une poussière dans l’air qui la rendait presque irrespirable. Cette carrière avait été de ce fait la cause de nombreux décès, qui avaient néanmoins été camouflés le plus possible pour le propriétaire. Un jeune renard frappa quelque coups de sa pioche sur un bloc irrégulier avant de reprendre son souffle puis prit une gorgée d’eau fraîche qu’il gardait précieusement dans une gourde de cuir près de lui. Assez grand, vêtu d’une vulgaire chemise de toile bourgogne un peu déchirée et sale dont il avait retroussé les manches et d’un pantalon bleu foncé de la même matière mais très court et poussiéreux, sa tête humide couverte d’une touffe de poils noirs d’où s’écoulait une fontaine de nombreuses gouttes démontrait qu’il suait dans cette chaleur suffocante. Malgré cela, il continuait de travailler avec acharnement contre la pierre.

À peine arrivé à la ville de Forge, le jeune Rorim, dix-sept ans, s’était fait embauché pour travailler dans cette carrière de calcaire jaune située au sud-ouest de la ville. Néanmoins, il se sentait mal à l’aise dans cette ville, car même si elle possédait une grande diversité dans ses habitants, qui étaient humains, elfes, nains, orcs, gobelins, gnomes, kobolds, drakéïdes et autres, ce devait être la première fois que tout ce beau monde voyait un renard à trois queues. Rorim ne pouvait aller quelque part sans attirer les regards sur lui, ce qui le gênait. Quoi qu’il en soit, le travail dans la carrière n’était que durant la journée, tôt le matin jusqu’en début de soirée, car lorsque le jeune renard est arrivé à Forge, il y a à peine une semaine, l’étrange homme nommé Liadrus, l’alchimiste-astronome de la ville que certains habitants trouvaient un peu fou mais que d’autres disaient qu’il n’était qu’excentrique l’avait abordé en lui disant qu’il avait « un potentiel inexploité » et sans plus d’explications, a fait de Rorim son assistant. Toutefois, Liadrus ne travaillait que pendant la soirée ou pendant la nuit, ce qui laissait toute la journée au jeune renard pour tailler le calcaire dans la carrière.

Autour de Forge se trouvaient cinq carrières et plusieurs mines où l’on exploitait des pierres et minéraux divers comme le fer, le quartz, le calcaire, le granit, le basalte, le schiste, l’émeraude, la turquoise, le cuivre, l’or, le bronze, l’argent, le lapis-lazuli, l’agate, le saphir, le rubis et bien d’autres, mais c’était la carrière de calcaire qui avait fini par embaucher notre renard. En effet, de toutes ces carrières et mines, celles qui marchaient le mieux étaient celles d’or et celles de calcaires. Partout sur le continent d’Eranne et même au-delà, l’or et le calcaire était les matières les plus utilisées pour la fabrication de statues pour le calcaire ou la fabrication de bijoux, d’ornements et autres pour l’or. De plus, la ville de Forge possédait les meilleurs filons d’or des alentours et se basait sa richesse surtout là-dessus. Certaines personnes surnommaient même la ville la « Montagne d’or ». Néanmoins, à voir les conditions de travail des ouvriers, qui travaillaient sous les ordres de rudes contremaîtres, Rorim commençait à regretter son choix. Toutefois, il continuait toujours de tailler la roche avec le plus d’acharnement possible, voulant conserver sa réputation d’ouvrier fiable qu’il avait commencé à mettre en place.

Pendant qu’il taillait, Rorim essayait de se remémorer les événements qui avaient conduis à son arrivé à la ville. Lorsqu’il avait trois ans, sa mère Ranna donna naissance à une petite renarde qu’elle prévoyait déjà depuis un certain temps de nommer Rosa, mais l’accouchement fut malheureusement très difficile et douloureux, et la pauvre renarde, souffrante et à bout de force, poussa son dernier soupir en soufflant à son fils de ne jamais perdre espoir et fois en la vie, envers Unianir. Attristé par la mort de sa sœur, Rowen, l’oncle de Rorim, adopta les deux orphelins et décida d’en prendre soin et de les élever le mieux possible. Il semblait avoir réussi son coup, car Rorim et Rosa grandirent en taille et en sagesse, et ce, même s’ils devaient vivre en-dehors de la forêt à cause de la décision irrévocable du conseil des clans. La vie c’était organisé, et, ensemble, ils avaient réussit à retrouver un peu de bonheur, bonheur que Rorim avait perdu à la disparition de son père puis à la mort de sa mère. Rowen enseigna d’ailleurs à ses protégés les rudiments du Ralien, leur propre langue, de même que les bases de l’Yrien, langage des hommes du lointain royaume d’Yria qu’il fallait absolument connaître pour réussir dans la vie. Aussi, il montra à Rosa et Rorim les propriétés des fleurs et autres plantes médicinales de même que les bases de la magie élémentaire, magie maîtrisée par les Renards à trois queues, mais enseigna uniquement à Rorim l’art du combat, à mains nues comme à mains armées. D’ailleurs, les armes de prédilections de Rorim devinrent deux dagues et de petits poignards qu’il lançait sur ses cibles sans jamais les rater. Malheureusement, cela ne pouvait durer, et encore une fois, le destin frappa. En effet, à partir d’un certains moment, la petite troupe, composée de Rorim, de Rosa et de Rowen dû se faire nomade comme bien des peuples d’Eranne et voyager à travers la région car la nourriture se faisait rare. Ils ne le savaient peut-être pas, mais c’était carrément une famine qui frappait l’endroit. Ils étaient donc condamnés à chasser de petits animaux pour se nourrir, ou encore à cueillir des végétaux. De plus, pendant l’hiver, seule les racines étaient disponibles pour leur consommation.

Toutefois, un jour frisquet d’automne, Rowen partit chercher de quoi manger tandis que Rorim restait avec sa sœur. Leur oncle ne revint jamais. Après avoir perdu leur père, puis leur mère, voilà qu’un nouveau membre de leur famille leur était enlevé. D’ailleurs, pour pas qu’elle ne vive avec la probable mort de son oncle sur la conscience, Rorim mentit à sa sœur en lui disant qu’il était encore vivant. Mais comme si le destin n’avait pas encore assez frappé, un nouvel instant fatidique vint complètement anéantir le jeune renard : Lorsque Rorim avait quatorze ans et que Rosa en avait onze, un hiver glacial frappa la région où ils se trouvaient. Cet hiver fut même marqué dans les archives elfiques pour avoir été l’hiver le plus froid qu’avait connu le continent. Quoi qu’il en soit, par manque de nourriture et à cause du froid douloureux, se fut au tour de Rosa de s’éteindre, et elle s’assoupit pour ce sommeil sans fin qu’est la mort dans les bras de son frère qui l’aimait plus que tout. Rorim était désespéré, démoli. Tous ceux qu’il aimait lui avait été ravis. Il pleura longtemps pendant les jours suivants, en rage contre le destin, et culpabilisant sur la mort de sa sœur. C’était là qu’il était apparut.

Un homme du nom de Séron qui devait avoir autour d’une trentaine d’années à l’époque vêtu d’un grand manteau bleu rencontra le jeune renard au plus profond de sa détresse. Étant en fait un mage, il avait les cheveux noirs, les yeux d’un vert profond, le teint pâle et était assez maigre. Il réussit d’ailleurs à apporter du réconfort au pauvre Rorim et le prit sous son aile, lui enseignant tout ce qu’il devait savoir sur Eranne et ses légendes pendant trois ans, de même que continuant son apprentissage de la magie et de l'herboristerie, qui devint vite une passion du jeune renard. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il garde toujours sur lui une petite sacoche de toile où il conserve des herbes et feuilles de toutes sortes.

Or, il y a quelques temps, Séron quitta le jeune renard en lui disant uniquement qu’il avait des choses très importantes à faire. Néanmoins, il lui dit aussi de se diriger vers la ville de Forge et de l’y attendre, tandis que lui partit au galop sur son destrier en sens opposé. Forge était une ville au carrefour de nombreuses frontières, Rorim pourrait donc se dissimuler dans les habitants. En effet, le mage avait dit à Rorim qu’il était recherché par bien des personnes car il possédait depuis sa naissance un certain don. Néanmoins, l’homme n’avait pas été plus clair et avait laissé le jeune renard sur cette question : Quel était le don qu’il possédait ? D’ailleurs, Rorim était arrivé à la ville de Forge depuis une semaine, mais cela faisait un mois qu’il avait quitté Séron, et il n’avait pas eu de signe de vie de la part de l’homme depuis ce temps.

Cependant, le son d’un cor joué par un des contremaîtres présents qui annonçait la fin de la journée de travail sortit Rorim de ses pensées. Il prit ses affaires, sortit de la carrière puis se dirigea vers la ville, qui n’était pas très loin heureusement. Dans le soir qui s’installait, les rues de Forge ne se désemplissaient pas. Plusieurs chars ou charrettes circulaient, tout comme de très nombreux piétons. Aussi, sur le bord de la route de pierre, des satyres, ce peuple de nomades sans point fixe, jouaient de leur flûtes et accompagnaient un cracheurs de feu ambulant qui époustouflait ses spectateurs avec ses mouvements hallucinants. De plus, les maisons aux alentours, faites de pierre, de bois, d’herbe séché et de terre étaient toutes des maisons d’artisans. Il y avait en effet échoppe d’un potier, qui modelait l’argile et la glaise pour former cruches, pichets, couverts, vases et bien d’autres choses, celle de tisserands qui filaient le lin et le coton pour coudre tuniques, pantalons, robes, chemises et autres, celle d’un tanneur qui était réputé pour son cuir d’excellente qualité, cuir qui était utilisé pour la fabrication des sandales, des chaussures, celle d’un sculpteur, celle d’un orfèvre qui fondait fer, argent, or et bien d’autres métaux et finalement l’échoppe d’un menuisier qui produisait des meubles de bois plus ou moins luxueux selon le client. Rorim se dépêchait de parcourir les rues pour arriver à la demeure de Liadrus. Arrivant d’ailleurs en face de cette maison étrange, il s’arrêta pour l’observer.

La maison semblait être constitué de deux bâtiments en bois et en pierre imbriqués l’un dans l’autre. Le revêtement extérieur gris foncé donnait aussi une apparence plutôt sinistre, accentuée par le soleil crépusculaire. Aussi, une statue de bronze à l’effigie d’une gargouille sur le portail du domaine n’apportait pas confiance, tout comme une statue d’argent à l’effigie d’un griffon placée directement au-dessus de la grande porte de la demeure. Frissonnant comme à son habitude lorsqu’il y entrait, Rorim parcouru les jardins puis mit pied à l’intérieur et referma la porte derrière lui.

À l’intérieur, c’était le grand désordre. Toutes les pièces se retrouvaient pleines de fioles et d’éprouvettes poussiéreuses contenant des liquides étranges de même que d’instruments d’alchimie. Aussi, les murs étaient tous couverts de symboles étranges qui avaient été écris à l’aide de peinture blanche à propriété fluorescente. En effet, même s’il faisait sombre, Rorim les distinguaient nettement car ils brillaient faiblement dans l’obscurité.

- Maître Liadrus, vous êtes là ? appela le renard, sans réponse néanmoins.

Il continua d’appeler pendant un certains temps, toujours sans réponse. Commençant à perdre patience, il entendit tout à coup une voix venant de l’extérieur.

- Sur la terrasse, mon jeune ami !

Rorim comprit. L’alchimiste-astronome, parfois astrologue à ses heures perdues devait être en train d’étudier le ciel. Circulant tant bien que mal dans le désordre de la maison pour le rejoindre, il fini pourtant par se rendre à la terrasse sans briser aucune fiole, même si cela avait impliqué de poser le pied sur une petite roche pointue, geste au résultat douloureux. Regardant autour de lui, il vit que Liarus était là, assis sur une chaise, observant le ciel étoilé tout en griffonnant des notes dans un vieux carnet.

- Androne s’aligne enfin avec Nérek, ce qui signifie que je vais pouvoir faire mes expérimentations dès demain, se dit l’homme à haute voix comme si Rorim n’était pas là.

- Androne ? demanda le renard, un peu confus.

- Tu vois cette étoile brillante au loin ? C’est elle, Androne. Elle est aussi appelée l’étoile du nord-ouest d’ailleurs.

- Elle est magnifique, répondit Rorim, sous le charme.

- Celle qui est en train de s’enligner parfaitement avec elle, c’est Nérek, l’étoile du sud. Selon la croyance populaire, plus elle brille, plus il ferra chaud.

- Je vois.

- D’ailleurs, il y aura fête je crois la semaine prochaine.

Rorim était perplexe.

- Une fête ?

- Oui, car vois-tu, l’étude des étoiles, qui est passionnante, permet de nombreuses choses, dont une, très importante, qui est la fixation de dates.

- De dates ?

- Exactement. Lorsqu’une étoile s’aligne avec une autre, qu’elle entre dans l’orbite d’une autre, ou qu’elle vole la vedette par sa brillance, elle indique de cette manière le meilleur moment pour les fêtes, ou pour plus important, la période des labours, des semailles, et autres.

- Quelle est la fête dont vous avez parlé ? demanda Rorim, qui était très intéressé. En effet, il regardait le ciel avec beaucoup d’admiration.

Liarus sourit. Il était heureux qu’enfin quelqu’un s’intéresse à ce qui le passionnait.

- C’est la fête des semailles. Elle a lieu pour souhaiter qu’il y aura une excellente récolte lors des moissons. Elle tombe d’ailleurs lorsque les étoiles Androne et Nérek sont parfaitement alignés et tombe en même temps de la période des semailles pour les paysans, d’où le nom.

Néanmoins, Rorim n’écoutait plus. En effet, il pensait aux gens qui le zieutaient à chaque fois qu’il se trouvait en publique.

- Dites-moi, pourquoi est-ce que j’attire toujours les regards sur ma personne ? demanda Rorim. Pour tout dire, ça me rend nerveux.

- Et bien, tu es le tout premier membre de ta race que bien des gens voit de toute leur vie. En effet, ton peuple, les renards à trois queues, était un peuple caché et personne, sauf quelques sages et mages, avaient connaissance de votre existence. D’ailleurs, un vieux sage, Lardin Qélet a déjà essayé de faire un recensement de toute la population d’Asharia et a esquissé comment il imaginait ton peuple. Attends, ça vaut le coup d’œil.

Liadrus se leva de sa chaise et rentra dans la maison. Il revint un peu plus tard, d’immenses paquets sous le bras.

- Qu’est-ce ? demanda Rorim.

- Regarde par toi-même, déclara l’alchimiste en lui présentant un parchemin maculé d’encre.

Le jeune renard s’esclaffa. Sur le parchemin était dessiné un étrange renard très musclé et quelque peu obèse. La créature avait de très longues queues de même qu’un regard mauvais.

- C’est vraiment comme ça que ce sage nous imaginait ? demanda à nouveau Rorim en essayant d’arrêter de rire.

- Oui, et je suis soulagé de voir que vous n’êtes pas comme ça réellement, répondit Liadrus en se mettant à rire à son tour. Mais dit moi, puisque tu viens d’ouvrir la porte pour ce sujet, pourrais-tu m’expliquer comment vivait ton peuple ? J’ai toujours voulu savoir. D’ailleurs, cela permettra de corriger les écrits de Ladin à propos de vous qui ne sont pas mieux que ses dessins, poursuivit-il en faisant un clin d’œil à Rorim.

Néanmoins, celui-ci soupira.

- Je ne me rappelle pas de tout. En effet, j’étais très jeune, et certains souvenirs sont très flous dans mon esprit. Néanmoins, je sais que nous étions organisés en tribu, qui était elle-même divisée en deux clans, le clan Verte-Racine et le clan Rousse-Feuille. Moi et ma famille faisions partie du premier, mais mon père était le chef de la tribu et essayait de calmer les différents entre les deux clans.

- Des différents ?

- Je n’ai aucune idée de ce qu’ils sont, car j’étais trop jeune. Je sais uniquement que l’un des clans était mal vu par l’autre et...

Rorim se tut et baissa les yeux. Il n’était plus capable de parler, des souvenirs douloureux lui revenant. Voyant des larmes couler des yeux de son apprenti, Liadrus comprit qu’il ferrait mieux de changer de sujet.

- Il est tard. Tu ferrais mieux d’aller te coucher, puisque tu travaille très tôt demain. D’ailleurs, je vais bientôt faire pareil, dit-il en baillant longuement.

Sans dire un mot, le jeune renard se retira dans sa chambre. Celle-ci semblait laissée à l’abandon. Près du lit défait, un tas de grimoires et autres vieux livres couverts de poussière gisait sur le sol. Dans un autre coin, un grand nombre de fioles de toutes sortes étaient empilées, démontrant que Rorim commençait à faire une sélection. Essence éthérée, venin de serpent, larmes d’aurore, acides divers, eau bénite, des antidotes, etc.

Le jeune renard s’effondra sur son lit. Parler de sa tribu, de son peuple, avait amené un questionnement. Il n’a jamais été témoin de la mort de son père ou de son oncle. Non. Ils n’ont que disparus. Son t-ils bien morts ou sont t-ils encore en vie ? Rorim prit sa décision. Il appréciait Liadrus, mais il voulait avoir une réponse. Se levant, il prit une besace de toile et commença à y ranger pèle-mêle de ses effets personnels. Quelques livres et fioles prit au hasard, Une petite lampe à luciole, une longue-vue qu’il avait « emprunté » à l’alchimiste, sa gourde, des vêtements de rechange, une flûte en roseau qu’il tenait de son oncle, un vieux jeu de carte, quelques pièces de bronze, puis finalement, un petit cristal pur et translucide qui le fascinait et qui avait la propriété de briller à la lumière du clair de lune. Sa mère lui avait donné en mourant, lui disant que son père aurait voulu lui donner lui-même mais qu’il n’a pas pu. Elle lui avait donné en lui murmurant un message énigmatique à l'oreille, message dont il n'avait pas encore comprit la signification. Se mirant quelques instants dans le cristal, il le rangea finalement avec les autres objets dans sa besace, puis prépara sa fronde et ses deux dagues, dagues qu’il avait nommé Nagwel et Karna, noms qui signifiaient en ralien « reflet » et « joyau ». En effet, Nagwel avait une lame bleue aussi lisse qu’un miroir, alors que Karna avait quant à elle une lame d’or. Rorim savait qu'il était très dur de manier deux armes à la fois, mais lui avait une facilité innée. Quoi qu'il en soit, le renard prépara aussi sa sacoche où il conservait des herbes de toutes sortes, sac dont il ne se séparait jamais.

Ayant terminé ses préparatifs, le jeune renard retourna se coucher, puis éteignit de son souffle la lampe à l’huile qui procurait une faible lueur dans la pièce. Il regagnait espoir en la vie : Toute sa famille n’était pas éteinte. Son père ou son oncle ou peut-être même les deux étaient en vie, il en avait la certitude. Il se devait de les retrouver. C’est donc sur cette pensée qu’il se laissa aller à un sommeil reposant, qui ne fut toutefois que trop court. Levé à l’aube pour aller travailler à la carrière comme à tous les matins, Rorim décida d’amener ce qu’il avait préparer avec lui, décidant de quitter Forge à la fin de la journée.

Malgré l’heure, il faisait déjà très chaud. Aussi, les rues de la ville étaient déjà animées, remplies de personnes en tout genre. Se faufilant à travers la foule, Rorim arriva finalement dans la rue qui menait à la carrière où il travaillait, mais qui était bizarrement bien moins animée que les autres. S’arrêtant pour observer les alentours, il vit cinq hommes capuchonnés et vêtus entièrement de rouge s’approcher et qui se mirent étrangement à l’entourer. Le jeune renard, ne comprenant rien de ce qui se passait, se demandait bien où il avait déjà vu ces hommes. Or, il comprit rapidement. En effet, il se rappela que depuis son arrivée à Forge, de mystérieux hommes en rouge le suivaient apparemment partout. Néanmoins, bien des gens le suivaient puisque c’était la première fois qu’ils voyaient un représentant de sa race, donc il n’avait pas porté attention à ces hommes en particulier. Mais maintenant, sentant la menace, Rorim dégaina ses dagues puis prit la parole, inquiet.

« Qu'est-ce que vous me voulez ? »

Aucune réponse. Les hommes mystérieux restèrent de marbre.

À suivre...

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